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Dette er teksten til kvindernes dans fra Estienne Groulleau's Grand' Danse Macabre (her er mændenes dans).
Rækkefølgen er den samme som i Troyes, hyrdinden og kvinden med krykker bytter plads med priorinden og den unge kvinde.
Jeg har rettet 2 små fejl "reconfott" ⇒ "reconfort" (damen med krykker) og "viute" ⇒ "viure" (Døden til gammeljomfruen).
Her kommer teksten i samme rækkefølge som i bogen.
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L'Acteur.
Mirez-vous cy hommes & femmes,
Et mettez vostre affection
A penser à voz pauures ames,
Qui desirent saluation:
Cy bas n'est pas la mansion,
Ou vous deuez estre tousiours,
Mort met tout à destruction,
Grand & petit meurt tous les iours.
Pour noblesse, ne pour honneur,
Pour richesse ne pauureté,
Pour porter estat de valeùr,
Ou du tout à mandicité,
Ne differe mort equité,
Mais autant d'vne part que d'autre,
Sans auoir mercy ne pitié,
Huy prend l'vn & demain prend l'autre.
Le premier mort.
Venez dames & damoyselles,
Du siecle & de religion,
Vefues, mariées, pucelles,
Et autres sans exception:
De quelqu'vne condition,
Toutes danserez ceste danse,
Vous viendrez, vueillez-vous ou non,
Qui sage est bien souuent y pense.
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Le second mort.
Quelz sont voz corps, ie vous demande
Femmes iolies, bien parées,
Ilz sont pour certain la viande
Qu'vn iour sera aux vers donnée,
Des vers sera doncq' deuorée
Vostre chair qui est fresche & tendre,
Ia n'en demorera goutée,
Voz vers apres deuiendront cendre.
Le tiers mort.
Compaignon bonne est ta raison,
De ses femmes oultrecuydées,
Que leurs corps sera venaison,
De vers puans aussi mengées,
Et n'en pourroient estre gardées
Pour or, argent, ne rien qui soit,
Nenny, bien sont doncq' abusées,
Qui ne s'amende il se deçoit.
Le quart mort.
Femmes mirez-vous en vn tas
D'ossemens de gens trespassez,
Lesquelz ont eu diuers estatz,
Au monde estoient les temps passez,
Et maintenant sont entassez
L'vn sur l'autre, gros & menus,
Ainsi serez, or y pensez,
La chair pourrist les oz tous nudz.
La mort.
Noble Royne de beau corsage,
Gente & ioyeuse à l'aduenant,
I'ay, de par le grand maistre, charge
De vous emmener maintenant:
Et comme chose bien venant
Ceste danse commencerez,
Faites deuoir au demourant,
Vous qui viuez ainsi serez.
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La Royne.
Ceste danse m'est bien nouuelle,
Et en ay le cueur bien surprins,
He Dieu quelle dure nouuelle,
A gens qui ne l'ont pas aprins:
Las en la mort est tost comprins
Royne, dame, grande ou petite,
Les plus grans sont les premiers prins,
Contre la mort n'a point de fuyte.
La mort.
Apres ma dame la duchesse,
Vous viens querir & pourchasser,
Ne pensez plus à la richesse,
A biens & ioyaux amasser,
Auiourd'huy vous fault trespasser,
Parquoy de vostre vie est fait,
Follie est de tant embrasser,
On n'emporte que le bien fait.
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La Duchesse.
Ie n'ay pas encores trente ans,
Helas! à l'heure que commence
A sçauoir que c'est de bon temps,
Mort me vient tollir ma plaisance:
I'ay des amys, & grand' cheuance,
Soulas, esbas, gens à deuis,
Parquoy moins me plaist ceste danse,
Gens aises si meurent enuys.
La mort.
Or ça ma dame la regente,
Qui auez renom de bien dire,
De danser, fringuer estes gente,
Sur toutes qu'on sçauroit eslire
Vous souliez les vns faire rire,
Festoyer gens & reueiller,
Or est il temps de vous reduyre,
La mort si fait tout oublier.
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La Regente.
Quand me souuient des tabourins,
Nopces, festes, harpes, trompettes,
Menestriers, doulcines, clairins,
Et des grans cheres que i'ay faites:
Ie cognois que ces entrefaites
En temps de mort n'ont point de lieu,
Mais nous rendent toutes infectes,
Tout se passe, fors aymer Dieu.
La mort
Gente femme de cheualier,
Qui tant aymez deduit de chasse,
Sus tost pas ne fault sommeiller,
Ains suyure le train de ma trace,
C'est bien chassé quand on pourchasse
Chose à son ame meritoire,
Car au derriere mort tout chasse,
Ceste vie est moult transitoire.
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La femme du cheualier.
Pas si tost morir ne cuydoye,
Helas! & ie souppoye hier
Sur l'herbe verte à la saulsoye,
Auec mon espreuier goyer,
En rien plus ne se fault fier,
Et qu'est-ce des faitz de ce monde,
Huy rire, demain larmoyer,
La fin de ioye en dueil redonde.
La mort.
Dame Abesse vous laisserez
L'abbaïe qu'auez bien aymée,
Qu'vn peu de bien n'emporterez,
Plus n'en serez dame appellée:
Vostre crosse d'argent dorée
Vne de voz sœurs portera,
Qui apres vous sera sacrée,
Tout fut d'autruy, tout y sera.
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L'Abesse.
Le seruice hier ie faisoye
Dedans l'eglise, comme abesse,
Et ma crosse d'argent portoye
A matines, & à la messe:
Et auiourd'huy fault que ie laisse
Abbaïe, crosse & conuent,
He mon Dieu! de ce monde qu'est-ce,
On est de mort surprins souuent.
La mort
Dame plyez voz gorgerettes,
Il n'est plus temps de vous farder,
Voz atours, fronteaux, oreillettes,
Ne vous pourroient icy ayder:
Plusieurs sont deceuz pour cuyder
Que la mort pour leur habit fleche,
Chacune y deust bien regarder,
Par habit mainte femme peche.
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La femme de l'escuyer.
He qu'ay-ie meffait ou mesdit,
Dont doiue souffrir telle perte?
I'auoye acheté au lendit
Du drap, pour taindre en escarlatte,
Ou i'eusse eu vne robbe verte
A ce beau moys de May qui vient,
Mais mon emprinse est descouuerte,
Tout ce qu'on pense pas n'auient.
La mort.
Pas ne vous oubliray derriere,
Venez apres moy, ça la main,
Entendez plaisante bergere,
On marchande cy main à main,
Aux champs n'yrez plus soir ne main
Veiller brebis ne garder bestes,
Rien ne sera de vous demain,
Apres les veilles sont les festes.
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La Bergere.
Ie prens congé du franc gautier,
Las! que ie regrette à merueilles,
Plus n'aura chappeau d'Esglantier,
Car voicy piteuses nouuelles:
Adieu bergeres, pastourelles,
Et les beaux champs que Dieu fit croistre,
Adieu fleurs & roses vermeilles,
Il fault tous obeïr au maistre.
La mort.
Apres pauure vieille aux potences,
Qui ne vous pouez soustenir,
Cy bas n'auez pas voz plaisances,
Aussi vous en conuient venir,
L'autre siecle est à aduenir
Pour le mal que vous auez, voire
Pouez à grand bien paruenir,
Dieu recompense tout en gloire.
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La femme aux potences.
De vieillesse ne voy plus goute,
Parquoy ne crains gueres la mort,
Dix ans y a que i'ay la goute,
Maladie me grieuc fort,
Mes amys ont le mien à tort,
Et n'ay vaillant deux solz contens,
Dieu seul est tout mon reconfort,
Apres la pluye vient beau temps,
La mort.
Et vous aussi gente bourgeoise,
Pour neant vous vous excusez,
Il est force que chacun voise
Comme voyez & auisez,
Voz beaux gorgias empesez
N'y font rien, ny belle ceinture,
Maintz hommes en sont abusez,
En tous estatz il fault mesure.
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La bourgeoise.
Mes getz & colletz de letisses
Ne m'exemptent point de la mort,
Mes grandes ioyes & delices
Me viennent icy à remort:
Ma conscience fort me mort
Des follies faites en ieunesse,
Qui me sont à rebours tresfort,
Ioye en la fin tourne en tristesse.
La mort.
Femme vefue venez auant,
Et vous auancez de venir,
Vous voyez les autres deuant,
Il conuient vnefois finir:
C'est belle chose de tenir
L'estat ou on est appellée,
Et soy tousiours bien maintenir,
Vertu est toute part louée.
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La femme vefue.
Depuis que mon mary morut
I'ay eu affaire grandement,
Sans ce qu'aucun me secourut,
Sinon que Dieu tant seulement:
I'ay des enfans bien largement
Qui sont ieunes, & non pourueuz,
Dont i'ay pitié, mais nullement
Dieu ne laisse aucuns despourueuz.
La mort.
Allons oultre gente marchande,
Et ne vous chaille de peser
La marchandise qu'on demande,
C'est simplesse d'y plus muser:
A l'ame deussiez auiser,
Le temps s'en va heure apres heure,
Et n'est tel que d'en bien vser,
Le merite & bien fait demeure,
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La marchande.
Las! qui gardera mon ouurouër
Tandis que ie suis en malayse,
Mes gens ne feront que iouër,
Les biens leur viennent à leur ayse:
Adieu ma ballance & ma chaise,
Ou i'ay eu les yeux diligens,
Pour plus cher vendre, ce me poise,
Auarice deçoit les gens.
La mort.
Apres ma dame la Bailliue,
Des quaquetz tant en l'eglise
Iuge auez par raison viue
Maintes gens à la vostre guise,
Ie vous commande de main mise
Pour pouruoir autre en vostre lieu,
Car auiourdhuy serez desmise,
Point ne se fault iouër à Dieu.
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La Baailliue.
Si femme se plaint de legier
La coustume n'est pas nouuelle,
Et s'entremettre de iuger
Des faitz d'autruy, & non pas d'elle,
Chacune se repute telle,
Que ce qu'elle fait est bien fait,
Qu'oncques mal ne fut dit par elle,
Il n'est rien au monde parfait.
La mort.
Pour vous monstrer vostre folie,
Et qu'on doit sur la mort veiller,
Sa la main espousée iolie,
Allons nous en deshabiller:
Pour vous ne fault plus trauailler,
Car vous viendrez coucher ailleurs,
On ne se doit trop merueiller,
Les faitz de Dieu sont merueilleux.
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L'espousée.
En la journée qu'auois desir
D'auoir quelque ioye en ma vie,
Ie n'ay que dueil & desplaisir,
Et si fault que tantost desuie:
He mort pourquoy as-tu enuie
De moy, qui me prens si à coup,
Si grand' faulte n'ay desseruie,
Mais il fault louer Dieu de tout,
La mort.
Femme nourrie en mignotise,
Qui dormez iusques à disner,
On vous chauffe vostre chemise,
Il est temps de vous desieuner,
Vous ne deussiez iamais ieusner,
Car vous estes trop maigre & vuyde,
Atant vous vient on adiourner,
On meurt plustost que l'on ne cuyde.
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La femme mignote.
Pour Dieu qu'on me voise querir
Medecin ou apoticaire,
Et comment me fault il morir?
I'ay vn mary qui me fait faire
Aneaux, robbes plus d'vne paire,
Ce morceau cy m'est trop aigret,
Moult ce passe tost vaine gloire,
Femme ayse meurt à grand regret.
La mort.
Doulce fille & belle pucelle,
Ne vous chaille ia d'y aller,
La misere de vie mortelle,
Qui conuient à chacun passer:
Car qui voudroit bien tout trasser,
Scureté n'a arrest en lieu,
Fors son sauuement pourchasser,
Virginité plaist moult à Dieu.
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La pucelle vierge.
En ce siecle ieunes ne vieux
Ne sont pas en grand' seureté,
De larmes sont souuent les yeux
Pleins, par ennuy & pauureté:
S'on a vne ioyeuseté,
Il vient apres quinze douleurs,
Pour vn bien double aduersité,
Plaisir mondain finit en pleurs.
La mort.
Ne nous direz-vous rien de beau,
Ma dame la Theologienne,
Du testament vieux ou nouueau?
Vous voyez comme ie vous meine,
Et estes ia fort ancienne,
Il fait bon cecy recognoistre,
Et à bien morir mettre peine,
C'est beaucoup que de se cognoistre.
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La Theologienne.
Femme qui de clergie respond.
Pour auoir bruit, ou qu'on l'escoute,
Est des morües de petit pont,
Qui ont grans yeux & ne voyent goute,
Sage est qui rondement s'y boute,
Et qui trop veult sçauoir est beugle,
Le hault monter souuent cher couste,
Chacun en son fait est aueugle,
La mort.
Apres nouuelle mariée,
Qui auez mis vostre desir
A danser & estre parée,
Pour festes & noces choisir,
En dansant ie vous viens saisir,
Auiourd'huy serez mise en terre,
Mort ne vient iamais à plaisir,
Ioye va comme feu de foirre.
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La nouuelle mariée.
Las demy an antier n'a pas
Que commence à tenir mesnage,
Pourquoy si tost passer le pas,
Ce n'est pas doulceur, mais c'est rage:
I'auois desir en mariage
De faire plus qu'autre merueilles,
Mais la mort par trop fort me charge,
Vn peu de vent abat grans fueilles,
La mort.
Femme grosse prenez loisir
D'entendre à vous legerement,
Car huy morrez, c'est le plaisir
De Dieu, & son commandement:
Allons pas à pas bellement,
En iettant vostre cueur es cieux,
Et n'ayez paour aucunement,
Dieu ne le fait que pour le mieux.
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La femme grosse.
I'auois bien petit de deduit
De mon premier enfantement,
Ie recommande à Dieu le fruit,
Et mon ame pareillement:
Helas bien cuydoye autrement
Auoir grand' ioye en ma gesine,
Mais tout va bien piteusement,
Fortune tost se change & fine.
La mort.
Sus ieune garse tant habille,
Renommée bonne chambriere,
Respondez hau ma belle fille,
Sans tenir si rude maniere:
Vous n'yrez plus à la riuiere,
Bauer au four ny en fenestre,
C'est cy vostre iournée derniere,
Aussi tost meurt seruant que maistre.
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La Chambriere.
Quoy ma maistresse m'a promis
Me marier, & des biens faire,
Et puis si ay d'autres amys,
Qui luy ayderont à parfaire:
He m'en iray-ie sans rien faire?
I'en appelle, on me fait tort,
Aussi ne m'en sçaurois-ie taire,
Peu de gens desirent la mort.
La mort.
Sçauez-vous, recommanderesse,
Point vn bon lieu pour me loger?
I'ay bon mestier que l'on m'adresse,
Car nul ne me veult heberger,
Mais i'en feray tant desloger,
Qu'on cognoistra bien mon enseigne,
Morir me fault pour abreger,
Nul ne pert que l'autre n'y gaigne.
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La recommanderesse.
En la mort n'a point d'amytic,
Et si ne fait rien pour requeste,
Or, argent, priere ou pitie,
Pour neant on se rompt la teste,
Qui y veult resister est beste,
La mort à nulli ne complaist,
Et fault tous danser à sa feste,
Morir conuient quand à Dieu plaist,
La mort.
Ma damoyselle du vieux temps,
A tout voz anciens atours,
De vous en venir il est temps,
Nature en vous passe son cours:
Vous ne pouez viure tousiours,
Ie vois deuant, venez apres,
Et ne faites plus longs seiours,
Vieilles gens sont de la mort pres.
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La vieille damoyselle.
I'ay voirement mon temps passé,
Et ayme mieux ainsi morir
Que reuoir ce qui est passé,
Et tant de malheurs encourie:
I'ay veu pauures gens langourir,
Et autres choses dont me tais,
Enfans pour bien viure & morir,
Il n'est plus grand bien que de paix.
La mort.
Femme de grand' deuotion,
Serrez voz heures & matines,
Et laissez contemplation,
Car iamais n'yrez à matines:
Si voz prieres sont bien dignes,
Elles vous vaudront deuant Dieu,
Rien ne vallent souspirs ne signes,
Bonne operation tient lieu.
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La cordeliere.
Ie rendz grace à mon createur,
A qui plaist de m'enuoyer querre,
En le louant de tresbon cueur,
Des biens qu'il m'a donnez sur terre:
Aux tentations 1'ay eu guerre,
Qui est moult forte à demener,
Dieu ayde qui le veult requerre,
Seruir Dieu est viure & regner.
La mort.
Femme d'acueil & amyable,
A festoyer gens à plaisance,
Acquis auez amy de table,
Pour parler de resiouyssance,
Le temps n'est tel qu'il a esté,
Rien n'y vault cy le vacabunt
Parler, qui n'est que vanité,
Ceux qui ont le bruit n'ont le bond.
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La femme d'Acueil.
Auiourd'huy parens & amys
Promettent & mons & merueilles,
Et quand voyent qu'on est bas mis,
Ilz baissent bien tost les oreilles,
Et sont aussi sours comme fueilles,
Que le vent fait voller par couples,
Et que baillans promesses telles,
Vrays ne sont pas les amys doubles.
La mort.
Nourrice apres vostre beau filz
(Nonobstant son beau couuertouer,
Et son beau bonnet de trois filz)
Vous ne le menrez plus iouër,
Deslogez tost sans plus penser,
Car vous morrez tous deux ensemble,
Venir vous fault icy danser,
La mort prend tout quand bon luy semble,
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La Nourrice.
A ceste danse fault aller
Comme font les prestres au Senne,
Ie vousisse bien reculler,
Mais ie me sents la boce en l'aine,
Entre mes bras de mon alaine,
Cest enfant meurt d'epidimie,
C'est grand' pitié de mort soudaine,
Nulli n'a heure ne demye.
La mort.
Si vous auez, sans fiction,
Tout vostre temps serui à Dieu
De cueur, en la religion,
A son vouloir & en tout lieu,
Comme le portoit vostre vœu,
Vous auez fait honnestement,
Aussi de Dieu aurez adueu,
Bien fait requiert bon payement.
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La prieure.
I'estois en ma religion,
Pour seruir Dieu à mon plaisir
Au cloistre, par deuotion
Dire mes heures à loysir:
Or m'est venu la mort saisir,
Au monde n'ay point de remord,
Face Dieu de moy son plaisir,
Chacun doit prendre en gré la mort.
La mort.
Venez apres ma damoyselle,
Et serrez tous voz afficquetz,
N'enchaut si estes laide ou belle,
Laisser vous fault, plaitz & quaquetz,
Plus n'yrez en ces grands banquetz,
Ou l'on sent si fort les eaues roses,
Ne verrez iouster à roquetz,
Femmes font faire mille choses.
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La Damoyselle,
Que me vallent mes grans atours,
Mes habitz, ieunesse, beauté,
Quand tout me fault laisser en plours,
Oultre mon gré & volunté,
Mon corps sera tantost porté
Aux vers, & à la porriture,
Plus n'en sera ballé, chanté,
Ioye mondaine bien peu dure.
La mort.
Ha pauure femme de village,
Suyuez mon train sans retarder,
Plus ne vendrez œufz ne formage,
Allez vostre pennier vuyder:
Si vous auez bien sceu garder
Pauureté, patience & perte,
Vous en pourrez bien amender,
Chacun trouuera sa deserte.
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La femme de village
Ie prens la mort, vaille que vaille
Bien en gré, & en patience,
Gens d'armes ont prins ma poullaille,
Et ont eu toute ma substance:
De pauures gens nulli n'en pense,
Entre voisins n'a charité,
Chacun veult auoir grand' cheuance,
Nul n'a cure de pauureté,
La mort.
Et vous ma dame la gourrée,
Vendu auez maintz surpelis,
Dont de l'argent estes fourrée,
Et en sont voz coffres remplis,
Apres tous souhaitz acomplis,
Conuient tout laisser & bailler,
Selon la robbe on fait les plis,
Et à tel pot telle cuiller.
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La vieille.
A tout mon cas bien recognoistre,
Ie n'ay pas vescu sans reproche,
Me suis affeublée de mon maistre,
Comme fait coquin de sa poche.
I'ay souuent mis mes vins en broche,
Et les ay fait vendre à ma guise,
Mais maintenant la mort approche,
Tant va le pot à l'eau qu'il brise.
La mort.
Aprochez-vous Reuenderesse
Sans plus faire cy demourée,
Vostre corps nuit & iour ne cesse
De gaigner, pour estre honorée:
Honneur est de pauure durée,
Et se pert en vn moment d'heure,
Au monde n'a chose asseurée,
Tel rit alors, qui bien tost pleure.
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La Reuenderesse.
Hyer ie gaignay deux escus
Pour surfaire subtilement,
Ie ne sçay qui les m'a tollus,
Argent acquis mauuaisement
Ne fait ia bien communement,
Helas ie meurs! c'est autre metz,
Ie me repens hastiuement,
Car il vault mieux tard que iamais.
La mort.
Femme de petite valuë,
Mal viuant en charnalité,
Mené auez vie dissoluë,
En tout temps, yuer & esté:
Ayez le cueur espouenté,
Car vous serez de pres tenuë,
Pour mal fait on est tourmenté,
Peché nuyt quand on continuë.
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La femme amoureuse.
A ce peché me suis submise,
Pour plaisance desordonnée:
Pendu soit il qui m'y a mise,
Et au mestier habandonnée,
Las! si i'eusse esté bien menée,
Et conduite premierement:
Iamais n'y eusse esté tournée,
La fin suyt le commencement.
La mort
Venez-ça garde d'acouchées:
Dresse auez maintz cielz tendus:
Et les courtines attachées,
Ou estoient beaux bouquetz pendus,
Les biens y sont fort despenduz,
Tant de motz ditz, que c'est vn songe,
Qui seront apres chers vendus,
En la fin tretout vient à ronge.
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La garde d'acouchées.
I'ay voirement dresse maintz baings
Pour les comperes & commeres,
Ou ont esté pastez de coings
Mengez, d'arioles, goyeres,
Tartes, & fait plusieurs grans cheres,
Si tost qu'on a osté la table,
Il n'en souuient à nulli gueres,
Ioye de manger est peu durable.
La mort.
Tirez-vous pres gente fillette,
Baillez moy vostre main menuë,
Il fault que sur vous la main mette,
Vostre derniere heure est venuë,
Mort n'espargne grosse ou menuë
Grand ou petit luy est tout vn,
Payer on doit le temps tenu,
La mort est commune à chacun.
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La ieune fille
Ha! ma mere, ie suis happée,
Voicy la mort qui me transporte,
Pour Dieu qu'on garde ma poupée,
Mes cinq pierres, ma belle cotte,
Ou elle vient tout elle emporte,
Par le pouuoir que Dieu luy donne,
Ieunes & vieux de toute sorte,
Tout vient de Dieu, tout y retourne.
La mort.
Marchez auant religieuse,
De voz faitz il fault rendre conte,
Se point n'auez esté piteuse
Aux pauures, vous en sera honte:
En paradis point on ne monte
Que par degrez de charité,
Entendez bien à vostre conte.
Tout ce qu'on fait y est conté.
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La Religieuse
I'ay fait par tout ce que i'ay peu,
Aux pauures, selon leur venuë,
Malades pensez & repeu,
Non si bien que i'estois tenuë:
Mais si faulte y est aduenuë,
Dieu me pardonne la defaille,
Sa grace tousiours retenuë,
Il n'est si iuste qui ne faille.
La mort
Oyez, on vous fait à sçauoir
Tous, que ceste vieille sorciere,
A fait morir & deceuoir
Plusieurs gens en mainte maniere:
Condamnée est comme meurdriere
A morir, ne viura plus guere,
Ie l'a meine en son cymetiere,
C'est belle chose de bien faire.
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La Sorciere.
Las! bonnes gens ayez pitié
De moy, la pauure pecheresse,
Et me donnez par amytié
Don d'vn pater, ou d'vne messe:
I'ay fait du mal en ma ieunesse,
Dont icy achepte la prune,
Si pri' Dieu que mon ame adresse,
Nul ne peult contre sa fortune.
La mort.
Dieu ayme bien femmes deuotes
Qui ont les consciences nettes,
Et hayt sur toutes les bigotes
Portans chaperons sans cornettes,
Ainsi qu'aucunes seurs Colettes,
Lesquelles par hypocrisie
En secret pechent tant que faites
Deuant Dieu & sa compagnie.
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La Bigotte.
Pour verité me suis monstrée
Souuent meilleure que n'estoye,
Aucunesfois bien desieunée,
Faisant semblant que ie icusnoye,
Et de ma bouche barbotoye,
Sans dire vn seul mot n'vne lettre.
Ie prie à Dieu qu'en bonne voye
Luy plaise ma pauure ame mettre.
La mort.
Sus tost Margot, venez auant,
Estes vous maintenant derriere?
Vous deussiez là estre deuant,
Et danser toute la premiere:
Quel' contenance, quel' maniere,
Ou est vostre fille marotte?
Faire ne fault si maigre chere,
Aussi bien danse sot que sotte.
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La Sotte.
Entre vous cointes & iolies,
Femmes oyez ce que vous dis:
Laissez desormais voz follies,
Car vous morrez sans contreditz,
Si i'ay meffait en faitz ou ditz,
A ceux ie demande pardon,
Et à mon Dieu de paradis,
Demander ne puis plus beau don.
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La Royne morte.
I'estoie Royne coronée,
Plus que toute autre douce & crainte,
Qui suis icy aux vers donnée,
Apres que de mort fus attainte
Sur la terre ie fus contrainte
D'estre couchée à la renuerse:
Parquoy est dure ma complainte,
Bien charie droit qui ne verse,
Prenez y (qui me regardez)
Exemple, pour vostre profit,
Et de mal faire vous gardez
Ie n'en dy plus, il me suffit,
Sinon que celuy qui vous fit,
Quand il vouldra vous deffera,
Deffaitz estiez quand vous refit,
Qui bien fera, bien trouuera.
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L'Acteur.
Vous seigneurs, & vous aussi dames
Qui contemplez ceste painture,
Plaise vous prier pour les ames
De ceux qui sont en sepulture:
De mort n'eschappe creature,
Allez, venez, apres morrez,
Ceste vie, qui bien peu dure,
Faites bien vous le trouuerez.
Iadis furent comme vous estes,
Qu'ainsi dansent, en façon telle,
Allans, parlans, comme vous faites,
De gens mors il n'est plus nouuelle,
A nul n'en chault d'une sinelle
Aux hoirs, des peres trespassez,
Mais qu'ilz ayent argent ou vaisselle,
Ayez d'eux pitié c'est assez.