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Denne bog er en ret sen udgave af teksten. Stavemåden er lidt speciel både på forsiden og i overskriften: »la Danse Machabrey«. I selve teksten staves det "Macabrey": »La dāse Macabrey s'appelle«. Denne stavning er dog ikke helt ukendt, for 70 år senere, i 1659, udgav Chorier »Antiquités de la ville de Vienne«, hvor stednavnet "macabrey" optræder (side 15), og Chorier er bekendt med, at "macabrey" også er navnet på en bestemt dans: »[…] le nom en celuy qu'il a de Macabrey. Ie n'ignore pas neantmoins que ce mot a esté appliqué à d'autres sens, & entre autres au branle de Macabrey dont nos Pères ont fait des Liures«.
Forsiden indeholder bogens eneste illustration (billedet til højre): Et scepter, en hakke og to kranier fyldt med slanger og orme.
Båndet indeholder den latinske tekst: "MORS SCEPTRA LIGONIBVS ÆQVAT" (Døden gør sceptre og hakker til det samme). Et populært citat, som vi også finder på Christian von Mechel's Frontispice.
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Teksten omkring kranierne siger: »Ecclesiastici.X. Hodie rex, cras mortuus & hæreditabit serpentes & vermes«. Dette er et uddrag fra Siraks Bog 10,10-11: »En langvarig sygdom gør lægen til spot. Konge i dag, død i morgen! Ved sin død arver et menneske kryb, orm og maddiker«.
Det er altså en meget passende forside, men rent faktisk er der tale om genbrug. Den samme illustration blev nemlig brugt 44 år forinden til bogen »Dialogus de Morte« (billedet til venstre).
La Danse Machabray indeholder 68 ottelinjede vers ("soixante hvict hvictains"). Det vil sige de 67 vers, som vi kender fra de gamle manuskripter, foruden det vers, der blev tilføjet i Guy Marchant's trykte udgave fra 1486, og som begynder: »Bon y fait penser soir et main«.
Dette kunne forlede én til at tro, at teksten var en slags genoptryk af Marchant's bøger, men faktisk indeholder teksten en del afvigelser, der også kendes fra Jean Belot i Genève og fra de gamle manuskripter. Der er især lighedspunkter med det gamle manuskript Ms 25434.
For en gennemgang af forskelle, se en sammenligning.
Her følger teksten (illustrationerne er fra Miroer Salutaire):
Par lesquels les Chrestiens de tou Etats, sont stimulez & inuitez de penser à la Mort.
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L'autheur.
O Creature raisonnable,
Qui desirez vie eternelle,
Tu as cy doctrine notable,
Pour bien finer vie mortelle.
5
La danse Macabrey s'appelle,
Que chacun à danser apprend.
A homme & femme est naturelle:
Mort n'espargne petit, ne grand.
En ce mirouer chacun peut lire
10
Qu'il luy conuient ainsi danser:
Cil est heureux qui bien s'y mire,
Le mort, le vif faict auancer:
Tu vois les plus grans commencer,
Car il n'est nul, que mort ne fiere:
15
C'est piteuse chose y penser:
Tout est forgé d'vne matiere.
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Vous qui viuez, certainement,
Quoy qu'il tarde ainsi danserez:
Mais quant? Dieu le sçait seulement:
20
Aduisez comment vous ferez.
Dam Pape, vous commencerez,
Comme le plus digne Seigneur,
En ce point honoré serez:
Aux grans maistres est deu l'honneur.
Le Pape.
25
Hé, faut-il que la danse meine
Le premier, qui suis Dieu en terre?
I'ay eu dignité souueraine
En l'Eglise, comme Sainct Pierre,
Et comm' autres, Mort me vient querre,
30
Encor que mourir ne cuidasse.
Mais la mort à tous meine guerre:
Peu vaut l'honneur, qui si tost passe.
La Mort, A l'Empereur.
Et vous le nompareil du monde,
Prince, Seigneur, grand Emperier,
35
Laisser vous faut la pomme ronde,
Armes, sceptre, tymbre, banniere.
Ie ne vous lairray pas derriere,
Vous ne pouuez plus seignourir,
I'emmeine tout, c'est ma maniere,
40
Les fils d'Adam faut tous mourir.
L'Empereur.
Ie ne sçay deuant qui i'appelle
De la mort, qui ainsi me meine:
Armer me faut de pic, de pelle,
Et d'vn linceul, Ce m'est grand peine.
45
Sur tous ay eu grandeur mondaine,
Et mourir me faut pour tout gage.
Hé, qu'est-ce de mortel demeine,
Les grans ne l'ont pas d'auantage.
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La Mort, Au Cardinal.
Vous faictes l'esbahy, ce semble,
50
Cardinal, sus legerement,
Suyuons les autres tous ensemble,
Rien n'y vaut l'esbahissement.
Vous auez vescu hautement,
Et en honneur à grand deuis:
55
Prenez en gré l'esbatement,
Aux grans honneurs se pert l'aduis.
Le Cardinal
I'ay bien cause de m'esbahir,
Quand ie me voy de si pres pris:
La mort m'est venu enuahir,
60
Plus ne vestiray vert, ne gris,
Chappeau rouge, & chappe de pris
Me faut laisser, à grand destresse,
Et ie ne l'auois pas appris:
Toute ioye fine en tristesse.
La Mort, Au Roy.
65
Venez, noble Roy couronné,
Renommé de force, & prouesse:
Iadis fustes enuironné
De grans pompes, & grand' noblesse.
Mais maintenant toute haultesse
70
Laisserez, vous n'estes pas seul.
Peu aurez de vostre richesse:
Le plus riche n'a qu'vn lynceul.
Le Roy.
Ie n'ay point appris à danser
A danse & note si sauuage:
75
Helas, on peut veoir & penser
Que vaut orgueil, force, lignage:
Mort destruit tout, cest son vsage,
Aussi tost le grand que le mendre.
Qui moins se prise plus est sage,
80
A la fin faut deuenir cendre.
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La Mort, Au Patriarche.
Patriarche, pour basse chere
Vous ne pouuez estre quicté:
Vostre double Croix, qu'auez chere,
Vn autre aura, C'est equité.
85
Ne pensez plus à dignité,
Ia ne serez Pape de Romme:
Pour rendre compte estes cité,
Folle esperance deçoit l'homme.
Le Patriarche.
Bien perçoy que mondains honneurs
90
M'ont deceu, pour dire le voir
Mes ioyes tournent en douleurs.
Et que vaut tant d'honneur auoir?
Trop haut monter, n'est pas sçauoir:
Haults estatz gastent gens sans nombre.
95
Mais peu le veulent perceuoir:
A haut monter le faix encombre.
La Mort, Au Connestable.
C'est de mon droict que ie vous mene
A la danse, gent Connestable:
Les plus forts, comme Charlemagne,
100
Mort prend, cest chose veritable.
Rien ne vaut chere espouuentable,
Ne forte armee en cest assault:
D'vn coup i'abbats tout le plus stable:
Rien n'est darmes quant mort assault.
Le Connestable.
105
I'auois encore intention
D'assaillir Chasteaux, forteresses,
Et mener à subiection,
En acquerant honneurs, richesses:
Mais ie voy que toutes prouesses
110
Mort met au bas. c'est grand despit:
Tout luy est vn, douceurs, rudesses
Contre la mort n'a nul respit.
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La Mort, A l'Archeuesque.
Que vous tirez la teste arriere
Archeuesque, tirez vous pres:
115
Auez vous peur qu'on ne vous fiere,
Ne doutez, vous viendres apres.
N'est pas la mort tousiours aupres
Tout homme, & le suit coste à coste?
Rendre conuient debtes & prests.
120
Vne fois faut compter à l'hoste.
L'Archeuesque.
Las, ie ne sçay ou regarder,
Tant suis, par mort, à grand destroict.
Ou fuiray-ie, pour moy garder?
Certes, qui bien la cognoistroit,
125
Hors de raison iamais n'ystroit
Plus ne gerray en chambre peinte,
Mourir me conuient, c'est le droict.
Quand faire faut cest grand contrainte.
La Mort, Au Cheualier.
Vous qui entre les grans Barons
130
Auez eu renom, Cheualier,
Oubliez trompettes, clairons,
Et me suyuez, sans sommeiller
Les Dames soulies resueiller,
En faisant danser longue piece:
135
Autre danse faut danser.
Ce que l'vn faict l'autre despece.
Le Cheualier.
Or ay ie esté auctorisé
En plusieurs faicts, & bien famé:
Des grans & des petis prisé:
140
Auec ce des Dames aymé:
Ne oncques ne fus diffamé
A la Cour de Seigneur notable.
Mais à ce coup suis tout pasmé.
Dessous le Ciel n'y a rien stable.
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La Mort, A l'Euesque.
145
Tantost n'aurez vaillant ce pic
Des biens du monde, & de nature,
Euesque: de vous il est pic,
Nonobstant vostre prelature.
Vostre faict gist en auenture,
150
De voz subiects faut rendre compte.
A chacun Dieu fera droicture.
N'est pas asseur qui trop haut monte.
L'Euesque.
Le cœur ne me peut esiouir,
Des nouuelles que mort m'apporte;
155
Dieu voudra de tout compte ouyr,
C'est ce que plus me desconforte.
Le monde aussi peu me conforte,
Qui tous à la fin desherite.
Il retient tout, nul rien n'emporte:
160
Tout se passe, fors que merite.
La Mort, l'Escuyer.
Auancez vous, gent Escuyer,
Qui sçauez de danser les sours:
Lance & escu porties hier,
Et huy vous finerez voy iours.
165
Il n'est rien qui ne preigne cours:
Dansez, & pensez de suyuir:
Vous ne pouuez auoir secours.
Il n'est qui mort puisse fuir.
L'Escuyer.
Puis que mort me tient en ses lacz,
170
Au moins que ie puisse vn mot dire:
Adieu deduits, adieu soulas,
Adieu Dames, plus ne puis rire.
Pensez de l'ame, qui desire
Repos, ne vous chaille plus tant
175
Du corps, qui tous les iours empire:
Tous faut mourir, on ne sçait quand.
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La Mort, A l'Abbé.
Abbé, venez tost, vous fuyez,
N'ayez ja la chere esbahie
Il conuient que la mort suyuiez,
180
Combien que vous l'ayes haye.
Commandez à Dieu l'Abbaye,
Qui gros & gras vous a nourry.
Tost pourrirez à peu d'ahye:
Le plus gras est premier pourry.
L'Abbé.
185
De cecy n'aurois point enuie,
Mais il conuient le pas passer.
Las, or n'ay-ie pas en ma vie
Gardé mon ordre, sans faulser,
Gardez vous de trop embrasser,
190
Vous qui viuez au demourant,
Si vous voulez bien trespasser.
On s'aduise tard en mourant.
La Mort, Au Bailly.
Bailly, qui sçauez qu'est iustice
Et haut & bas, en mainte guise,
195
Pour gouuerner toute police,
Venez tantost à ceste assise.
Ie vous adiourne de main mise,
Pour rendre compte de voz faicts
Au grand iuge, qui tout, vn prise.
200
Vn chacun portera son faiz.
Le Bailly.
Hé Dieu, voicy dure iournee,
De ce coup pas ne me gardois:
Or est la chance bien tournee:
Entre Iuges honneur auois,
205
Et mort faict raualler ma ioye
Qui m'a adiourné sans rappel,
Ie n'y voy plus ne tour, ne voye.
Contre la mort n'a point d'appel.
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La Mort, A l'Astrologien.
Maistre, pour vostre regarder
210
En haut, ne pour vostre Clergie,
Ne pouuez la mort retarder:
Cy n'y vaut rien l'Astrologie.
Toute la genealogie
D'Adam, qui fut le premier homme,
215
Mort prend, ce dit Theologie.
Tous faut mourir pour vne pomme.
L'Astrologien.
Pour science, ne pour degrez,
Ne puis auoir prouision.
Car maintenant tous mes regrets
220
Sont, mourir à confusion.
Pour finale conclusion,
Ie ne sçay rien que plus i'escriue,
Ie pers cy toute aduision:
Qui bien voudra mourir, bien viue.
La Mort, Au Bourgeois.
225
Bourgeois, hastez vous, sans tarder:
Vous n'auez auoir ne richesse,
Qui vous puisse de mort garder.
Si des biens dont eustes largesse
Auez bien vsé, c'est sagesse.
230
D'autruy vient tout, à autruy passe:
Fol est qui d'amasser se blesse,
On ne sçait pour qui on amasse.
Le Bourgeois.
Grand mal me faict si tost laisser
Rentes, maisons, cens, nourriture:
235
Mais pauures, riches, abbaisser
Tu fais, Mort: telle est ta nature.
Sage n'est pas la creature
D'aymer trop les biens, qui demeurent
Au monde, & sont siens de droicture.
240
Ceux qui plus ont, plus enuys meurent.
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La Mort, Au Chanoine.
Sire Chanoine prebendé
Plus n'aurez distribution
Ne gros, ne vous y attendez,
Prenez cy consolation.
245
Pour toute retribution,
Mourir vous conuient sans demeure:
Ia n'y aurez dilation.
La mort vient qu'on ne garde l'heure.
Le Chanoine.
Cecy gueres ne me conforte.
250
Prebendé fuz en mainte Eglise:
Or est la mort plus que moy forte,
Qui tout emmeine, c'est sa guise.
Blanc surplis, & aulmusse grise
Me faut laisser, & à mort rendre.
255
Que vaut gloire si tost bas mise?
A bien mourir chacun doit tendre.
La Mort, Au Marchant.
Marchant, regardez par deça,
Plusieurs pays auez cherché,
A pied, à cheual, de pieça:
260
Vous n'en serez plus empesché.
Voicy vostre dernier marché,
Il conuient que par cy passez.
De tout soing serez depesché.
Tel conuoite qui a assez.
Le Marchant.
265
I'ay esté à mont & à val,
Pour marchander ou ie pouuoye,
Par long temps à pied, à cheual,
Mais maintenant pers toute ioye.
De tout mon pouuoir acqueroye,
270
Or ay-ie assez : Mort me contraint.
Bon faict aller moyenne voye.
Qui trop embrasse, mal estreint.
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La Mort.
Allez Marchant, sans plus rester,
Ne faites ia cy resistence,
275
Vous n'y pouuez rien acquester.
Vous aussi homme d'abstinence,
Chartreux, prenez en patience,
De plus viure n'ayez memoire:
Faictes vous valoir à la dance.
280
Sur tout homme mort a victoire.
Le Chartreux.
Ie suis au monde pieça mort,
Parquoy de viure ay moins enuie,
Iaçoit que tout homme craint mort.
Puis que la chair est assouuie,
285
Plaise à Dieu que l'ame rauie
Soit és Cieux, apres mon trespas.
Cest tout neant de ceste vie:
Tel est huy, qui demain n'est pas.
La Mort, Au Sergent.
Sergent, qui portez ceste masse,
290
Il semble que vous rebellez.
Pour neant faictes la grimace,
S'on vous greue, si appellez.
Vous estes de mort appellez:
Qui luy rebelle, il se deçoit.
295
Les plus forts sont tost rauallez.
Il n'est fort, qu'aussi fort ne soit.
Le Sergent.
Moy qui suis Royal officier,
Comment m'ose la mort frapper?
Ie faisois mon office hier,
300
Et elle me vient huy happer.
Ie ne sçay quell' part eschapper,
Ie suis pris, deçà, & delà.
Mal-gré moy me laisse attrapper.
Enuys meurt, qui appris ne l'a.
![]() |
La Mort.
305
Ha, maistre, par la passerez,
N'ayez ja soing de vous defendre.
Plus homme n'espouuenterez.
Apres, Moyne, sans plus attendre,
Ou pensez vous? Cy faut entendre.
310
Tantost aurez la bouche close,
Homme n'est, fors que vent, & cendre:
Vie d'homm' est moult peu de chose.
Le Moyne.
I'aymasse mieux encores estre
Au cloistre, & faire mon seruice:
315
C'est vn lieu deuot, & bel estre.
Or ay-ie, comme fol, & nice,
Au temps passé commis maint vice,
Dequoy n'ay pas faict penitence
Suffisant Dieu me soit propice.
320
Chacun n'est pas ioyeux qui danse.
La Mort, A l'Vsurier.
Vsurier, de sens desreglé
Venez tost, & me regardez:
D'vsure estes tant aueuglé,
Que d'argent gaigner tout ardez.
325
Mais vous en serez bien lardez:
Car si Dieu, qui est merueilleux,
N'a pitié de vous, tout perdez.
A tout perdre est coup perilleux.
L'Vsurier.
Me conuient-il si tost mourir?
330
Ce m'est grand peine, & grand greuance.
Et ne me pourront secourir,
Mon or, mon argent, ma cheuance.
Ie vois mourir, la mort m'auance:
Mais il m'en desplaist, somme toute.
335
Qu'est-ce de mal' accoustumance?
Tel a beaux yeux, qui ne voit goutte.
Le pauure Homme.
Vsure est vn mauuais peché,
Comme chacun dit & racompte:
Et cest homme, qui approché
340
Se sent de la mort, n'en tient compte.
Mesme l'argent qu'en ma main compte,
Encor à vsure me preste:
Il deura de retour au compte.
N'est pas quicte, qui doit de reste.
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La Mort, Au Medecin.
345
Medecin, auec vostre vrine
Voyez vous icy? qu'amender
Iadis sceustes de medecine,
Assez pour pouuoir commander.
Or vous vient la mort demander,
350
Comme autre, vous conuient mourir:
Vous ny pouuez contremander.
Bon myr' est qui se sçait guarir.
Le Medecin.
Long temps a qu'en l'art de Physique
I'ay mis toute mon estudie:
355
I'auois la science, & pratique,
Pour guarir mainte maladie.
Ie ne sçay que ie contredie,
Plus n'y vaut herbe, ne racine,
N'autre remede, quoy qu'on die.
360
Contre la mort n'a medecine.
La Mort, A l'Amoureux.
Gentil amoureux, gent & fricque,
Qui vous cuidez de grand valeur:
Vous estes pris, la mort vous picque,
Le monde lairrez à douleur.
365
Trop l'auez aymé, c'est fouleur,
Et a mourir peu regardé.
Ia tost vous changerez couleur.
Beauté n'est qu'image fardé.
L'Amoureux.
Helas, or n'y a-il secours
370
Contre mort? Adieu amourettes.
Moult tost va ieunesse a decours:
Adieu chappeaux, boucquets, fleurettes,
Adieu Amans, & pucellettes,
Souuienne vous de moy souuent.
375
Cy vous mirez, si sages estes.
Petite pluye abbat grand vent.
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La Mort, A l'Aduocat.
Aduocat, sans long proces faire,
Venez vostre cause plaider.
Bien auez sçeu les gens attraire
380
De pieça, non d'huy, ne d'hier.
Conseil cy ne vous peut ayder,
Au grand Iuge conuient venir:
Sçauoir le deuez sans cuider.
Bon faict iustice preuenir.
L'Aduocat.
385
C'est bien raison que droict se face,
Ie n'y sçaurois mettre defense.
Contre mort n'a respit, ne grace,
Nul n'a respit de sa sentence
I'ay eu de l'autruy, quant i'y pense,
390
Dequoy ie doute estre repris.
A craindre est le iour de vengeance:
Dieu rendra tout à iuste pris.
La Mort, Au Menestrier.
Vous, Menestrier, qui danse & note
Sçauez, & auez beau maintien,
395
Pour faire esiouir sot & sotte,
Qu'en dites vous? Allons nous bien?
Monstrer vous faut (puis que vous tien)
Aux autres cy vn tour de danse,
Le contredire n'y vaut rien:
400
Maistre doit monstrer sa science.
Le Menestrier.
De danser ainsi n'eusse cure,
Certes tres-enuy ie m'en mesle:
Car de mort, n'est peine plus dure:
I'ay mis soubs ce banc ma Vielle.
405
Plus ne corneray Sauterelle,
N'autre danse, Mort m'en retient:
Il me faut obeir à elle:
Tel danse a qui au cœur ne tient.
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La Mort, Au Curé.
Passez, Curé, sans plus songer:
410
Ie sçay qu'estes à bien donné.
Le Vif, le Mort, souliez manger,
Mais vous serez aux vers donné
Vous fustes iadis ordonné
Mirouer d'autruy, & exemplaire:
415
De voz faicts serez guerdonné.
A toute peine est deu salaire.
Le Curé.
Vueille, ou non, il faut que me rende,
Il n'est homme que mort n'assaille.
De mes Paroissiens offrande
420
N'auray iamais, ne funeraille.
Deuant le Iuge faut que i'aille
Rendre compte, las douloureux:
Or ay-ie grand peur que ie faille.
Cil que Dieu quitte, il est heureux.
La Mort, Au Laboureur.
425
Laboureur, qui en soing & peine
Auez vescu tout vostre temps,
Mourir faut: c'est chose certaine:
Reculer n'y vaut, ny coontends.
De mort deuez estre contens,
430
Car de grand soucy vous deliure:
Approchez vous, ie vous attens;
Fol est, qui cuide tousiours viure.
Le Laboureur.
La Mort ay souhaité souuent,
Mais volontiers ie la fuysse.
435
I'aymasse mieux feu, pluye, ou vent,
Estre aux vignes, ou ie fouysse.
Encor plus grand plaisir y prisse,
Car ie pers de peur tout propos.
Or n'est-il qui de ce pas ysse.
440
Au monde n'a point de repos.
![]() |
La Mort.
Faites voye, vous auez tort
Laboureur. Apres Cordelier,
Souuent auez presché de mort:
Si vous deuez moins merueiller.
445
Ia ne s'en faut esmoy bailler:
Il n'est si fort que Mort n'arreste.
Il faict bon à mourir veiller.
A toute heure la Mort est preste.
Le Cordelier.
Qu'est-ce que de viure en ce monde?
450
Nul homme à seureté n'y demeure.
Toute vanité y abonde.
Puis vient la Mort qui prend son heure.
Mendicité point ne m'asseure:
De mes faicts faut payer l'amende.
455
En petit d'heure Dieu labeure:
Sage est le pecheur qui s'amende.
La Mort, A l'Enfant.
Petit enfant n'agueres né,
Au monde auras peu de plaisance.
A la danse seras mené
460
Comme vn autre. Mort a puissance
Sur tous du iour de la naissance
Conuient chacun à mort offrir:
Fol est qui nen a congnoissance.
Qui plus vit plus ha à souffrir.
L'Enfant.
465
A, a, a, ie ne sçay parler,
Enfant ie suis, i'ay langue mue,
Hier nasquis, huy m'en faut aller,
Ie ne fays qu'entree & yssue
Rien n'ay mesfaict, mais de peur sue.
470
Prendre en gré faut, c'est pour le mieux
L'ordonnance de Dieu ne mue,
Aussi tost meurt ieune que vieux.
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La Mort, au Clerc.
Cuydez vous de mort eschapper
Clerc esperdu, pour reculer?
475
Il ne s'en faut ia destrapper:
Tel cuide souuent haut monter,
Qu'on voit a coup tost r'aualler.
Prenez en gré, allons ensemble,
Car rien n'y vaut le rebeller:
480
Dieu nous prent tous, quant bon luy semble.
Le Clerc.
Faut il qu'vn ieune clerc sçauant,
Qui au seruice prend plaisir
Aour cuyder venir en auant,
Meure si tost! C'est desplaisir
485
Ie suis quitte de plus choisir
Autre estat. Il faut qu'icy danse.
La mort m'a pris a son loysir
Moult s'en faut de ce que fol pense.
La Mort.
Clerc, ne vous faut faire reffus
490
De danser, faictes vous valoir
Vous n'estes pas seul: leuez sus,
Car tant moins vous en doit chaloir.
Venez apres, c'est mon vouloir,
Homme nourry en l'hermitage.
495
Ia ne vous en conuient douloir:
Vie n'est pas seur heritage.
L'Hermite.
Pour la vie dur & solitaire,
Mort ne donne de viure espace,
Chacun le voit. Si s'en faut taire.
500
Or requiers Dieu, qu'vn don me face:
C'est que tout mes pechez efface,
Bien suis content de tous ses biens,
Desquels i'ay vsé de sa grace
Qui n'a suffisance n'a riens.
La Mort.
505
C'est bien dit, ainsi doit on dire
Il n'est qui soit de mort deliure
Qui mal vit, il aura du pire:
Si pense vn chacun de bien viure.
Dieu pesera tout à la liure,
510
Bon y faict penser, soir, matin.
Meilleur science n'a en liure:
Il n'est qui ait point de demain.
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L'Autheur, Au Roy.
Vous, qui en ceste pourtraiture
Voyez danser estatz diuers:
515
Pensez qu'humaine creature
Ce n'est rien, que viande à vers.
Ie le monstre, qui gis enuers:
Si ay-ie esté Roy couronné.
Tels vous serez, bons & peruers.
520
Tout estat est aux vers donné.
Rien n'est d'homme, qui bien y pense:
C'est tout vent, chose transitoire.
Chacun le voit par ceste danse.
Pource, vous qui voyez l'histoire,
525
Retenez la bien en memoire.
Car homme & femme ell' admoneste,
Cherchez de Paradis la gloire.
Heureux est qui és Cieux faict feste.
Bon y faict penser, soir, matin:
Le penser en est profitable.
Tel est huy qui mourra demain,
Car il n'est rien plus veritable
Que de mourir: & rien moins stable
Que vie d'homme: on l'apperçoit
A l'œil: parquoy ce n'est pas fable.
Ia fol ne croit, tant qu'il reçoit.
Mais aucuns sont a qui n'en chaut
530
Comme s'il n'estoit Paradis,
N'enfer: helas, ils auront chaut.
Les liures que feirent iadis
Les saincts, le monstrent en beaux dicts.
Acquitez vous qui cy passez,
535
Et faictes des biens: plus n'en dis.
Bienfaict moult vaut aux Trespassez.
F I N.